CLÉMENT SANS

GRAND PHOTOGRAPHE DE SAURAT

La vie de Jean Amédée Clément Sans (1834-1911) coïncida avec deux grands mouvements artistiques de la deuxième moitié du xixe siècle, l’école de la peinture réaliste paysanne et l’invention de la photographie, qui eurent tous les deux une profonde influence sur son œuvre. La peinture naturaliste de la vie paysanne apparaît en France au milieu du siècle avec Jules Bastien-Lepage, Jules Breton et surtout Jean-François Millet (Le Roy Ladurie, 1994). Au moment de la naissance de Clément Sans à Saurat en 1834, le célèbre inventeur Louis Jacques Daguerre perfectionnait un procédé d’enregistrement d’une image sur plaque de verre qui deviendra le daguerréotype.

Clément Sans était un propriétaire terrien qui vivait des revenus de ses fermes et de ses métairies. Dans sa jeunesse, il avait très vraisemblablement appris à peindre. On a pensé qu’il avait été étudiant à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse, mais l’examen des registres d’inscription de l’école des années 1848 à 1857 n’a pas permis d’y trouver son nom. Il ne figure pas non plus sur les registres de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris pour cette période. Cependant, il dut avoir comme maître quelque artiste expérimenté de Foix ou d’ailleurs, car en 1857, à l’âge de 23 ans, il réalisa de très bons portraits de notables de Saurat, comme celui de Jean-Baptiste Desbeaux (1787- 1873) daté de 1857 (Figure 2). Il peignait aussi des paysages et des scènes paysannes. Un de ces paysages qui représente un bosquet de chênes majestueux atteste l’influence décisive de Théodore Rousseau et des peintres de l’école de Barbizon. Quelques familles du village de Saurat possèdent toujours des portraits et des paysages de Clément Sans. Jean-Baptiste Desbeaux

2. Jean-Baptiste Desbeaux

Les vues stéréoscopiques

Aux alentours de 1860, Clément Sans décide de se lancer dans la photographie en utilisant un appareil de stéréophotographie et des plaques de verre préparées au gélatino-bromure d’argent qui permettaient de prendre au soleil des photos « instantanées » de personnages et d’animaux en mouvement. Si on en juge par la taille des plaques de verre des vues stéréo qui ont été trouvées (85×174 mm & 97×185 mm), il travaillait avec au moins deux appareils stéréo différents. En 1860, «le daguerréotype n’est quasiment plus utilisé, supplanté par le papier albuminé » (Périn, 2000). Les tirages des vues stéréoscopiques se font sur ce même papier albuminé. On ne sait pas comment il a appris les méthodes très compliquées de la photo de son époque, peut-être qu’il était autodidacte. Sans est brièvement cité dans le Répertoire des photographes de France au xixe siècle comme suit : « SANS. Saurat (Ariège) ; année 60. Vues stéréoscopiques des Pyrénées » (Voignier,1993).

Extrait de Répertoire des Photographes de France au dix-neuvième siècle

3. Extrait de Répertoire des Photographes de France au dix-neuvième siècle

Les vues stéréoscopiques étaient très à la mode à l’époque dans les salons pour illustrer les récits de voyages, comme les gravures l’avaient été au siècle précédent. Quarante ans plus tard, les cartes postales remplacèrent les clichés en relief. Clément Sans prit plusieurs vues stéréoscopiques dans différents endroits du village de Saurat et dans la vallée du col de Port en descendant jusqu’à Bédeilhac et au delà, mais il ne semble pas avoir travaillé à l’ouest du col de Port. Au moins trois séries de ces vues stéréoscopiques furent commercialisées entre 1860 et 1885.

Vue stéréo du Roc de Carlong

4. Vue stéréo du Roc de Carlong

Clément Sans produisit d’abord une longue série de vues stéréo numérotées comprenant la vallée de Saurat, Tarascon, le château de Foix et beaucoup d’autres vues sur la partie orientale de l’Ariège. Cette série montée sur carton bleu (87×174 mm) a été commercialisée sous le titre l’arriège (sic) pittoresque placé côté gauche, avec les initiales « C.S. » à droite (par la suite toutes ses cartes postales seront signées de cette façon). Une légende explicative était écrite à la main au dos de chaque vue et un total d’au moins 149 numéros de différentes vues furent publiés. Celle de la figure 4 porte le numéro 51, intitulé – « Roc de Carlong (Vallée de Saurat) à 3h. d’Ussat », ce qui semble indiquer que ces vues étaient vendues aux curistes fréquentant la station thermale d’Ussat-les-Bains. Une partie de cette série s’intitulait « Toulouse » et le n° 116 de la série complète montre la « Place du Capitole. »
Au moins deux autres séries de vues stéréo seront produites. Une série non numérotée montée sur carton (85×176 mm) portant le tampon « C. Sans Photographe Saurat (Ariège) » avec une légende manuscrite au dos – « Un Pont de neige, aux piques de Journalade. Pyrénées (Ariège) » et « Ussat-les-Bains. Le Pont (Ariège) » montrant l’hôtel Chaumont en arrière-plan. Une autre série numérotée cette fois sur carton orange (80×154 mm) porte un titre imprimé « L’Ariège Pittoresque par C. Sans » à gauche et « Vues des Pyrénées » à droite. Au dos elles étaient signées, numérotées et datées de la main de Clément Sans. Les numéros 8 et 9, datés de 1882, montrent des vues de la Grande Rue vers l’ouest avec la place Conty (ou Conti) et, plus loin, la place de la Rende avec plusieurs personnages marchant dans la rue. Ces vues stéréoscopiques sont conservées dans les collections de la Société française de photographie à Paris.
En 1878, il avait acquis une telle expérience dans ce domaine si complexe qu’était la photographie de cette époque qu’il publia un petit article sur la façon de préparer les plaques de gélatino-bromure d’argent. La notice (Sans, 1878) est parue dans une publication renommée, le Bulletin de la Société française de photographie. Quatre ans plus tard, il publia un article plus technique et plus complet sur le même sujet (Figure 5). Dans la formule de préparation des plaques, il préconisait l’emploi d’eau de pluie, un ingrédient de bonne qualité dans la région des Pyrénées, mais qui l’était beaucoup moins à Paris, une ville polluée par l’air chargé de suie (Sans, 1882).

Extrait de l’article de Clément Sans de 1882

5. Extrait de l’article de Clément Sans de 1882

Son œuvre photographique

En dehors des appareils photographiques pour vues stéréoscopiques, Clément Sans travaillait avec au moins trois chambres noires différentes (toujours montées sur trépied), ce qui peut se déduire des dimensions des plaques de verre qui ont survécu (82×105 mm ; 130×178 mm ; et 155×205 mm). Deux cartes postales reproduites ici le montrent travaillant avec deux chambres noires distinctes (Figures 8 et 11 - C.S. 69 & 33).
Nombre de ses photos sont des documents précieux sur la vie paysanne et villageoise à la fin du xixe siècle. Plusieurs photos sont prises dans Saurat, place Conti, devant sa maison. Pour les vues d’ensemble des processions, il travaillait du premier étage d’une maison qui donnait sur la Grande Rue  (aujourd’hui rue Albert Sans)  ou bien plaçait la chambre noire au milieu de la rue au sommet d’une grande échelle de peintre équipée d’une vis d’attache (C.S. 13 & 44 – les scans de plusieurs cartes sont sur ce site).
     Certaines de ses premières photos montées sur carton montrent la Grande Rue en direction de la place de la Rende et des paysages variés des environs de Saurat, dont le pont de Pommiès (Pomiès) et le pont de l’Ouale. Sur l’une de ces photos, on voit un très jeune garçon faisant semblant de peindre un tableau sous la surveillance de sa mère, sur un chemin près d’une grange. Sept de ces photos tirées sur papier albuminé (signées et datées de 1882), conservées à Paris dans les collections de la Société française de photographie, servent d’exemple pour illustrer les points techniques de son deuxième article. La société les a catalogués ainsi : « Paysages 1 à 4 et une rue 5 à 7– papier albuminé d’après négatifs au gélatino-bromure d’argent selon une formule de l’auteur, date 1882. »

Il travaillait aussi en studio effectuant des portraits, portant son tampon au dos. Son studio se trouvait probablement dans sa maison au 148 Grande Rue, sur la place Conti, au centre du village. Sur la carte postale C.S. 22, à gauche, on voit distinctement sa maison avec, au rez-de-chaussée, ses fenêtres cintrées. Sur la carte 18, c’est la deuxième maison sur la droite. Dans un musée aménagé au premier étage étaient exposés des agrandissements de ses meilleurs clichés, des photos colorées à la main au pastel, des tableaux, des plaques de verre et de la musique mécanique.
Le tampon de Clément Sans

6. Le tampon de Clément Sans
Plus de vingt ans plus tard, vers 1903, il a commencé à éditer une longue série de cartes postales, qui s’est étalée sur quatre périodes distinctes et qui totalise 140 cartes différentes. Dans cette série intitulée la haute ariège, les cartes sont numérotées de 1 à 128, certaines portant le même numéro tout en montrant des photos et des légendes différentes. 
En plus des séries de vues stéréoscopiques et cartes postales publiées, il existe, dans les collections de plusieurs familles sauratoises, un ensemble de plus 200 photos non publiées (beaucoup sont de qualité artistique supérieure aux photos publiées) sous la forme originale de plaques de verre au gélatino-bromure d’argent, de tirages sur papier albuminé montés sur carton, souvent avec un titre écrit à la main, et d’agrandissements en noir et blanc de photos d’art ou de portraits de famille.


Son sens artistique

Les photos de Clément Sans sont non seulement d’un intérêt ethnologique certain mais aussi d’une grande valeur esthétique. Il possédait le sens de la composition et de la mise en scène d’un peintre confirmé, ce qui lui permettait de placer ses sujets naturellement dans leurs tâches coutumières et dans leur environnement familier. Dans toutes ses études des paysans en plein air, ses sujets sont pris sur le vif, vaquant à leurs occupations quotidiennes dans leurs vêtements de tous les jours. Et ce qui est plus important, ses photos se démarquent de celles de ses collègues de moindre talent, car il applique toujours cette règle essentielle dans la représentation de scènes et de paysages animés : ne jamais laisser le sujet regarder directement l’objectif.

Le vannage et le Soudour au fond

7. Le vannage et le Soudour au fond
Dans la peinture comme dans la photographie, ce n’est que dans les portraits que le sujet est autorisé à nous regarder. Dans toutes ces photos, les personnages poursuivent leurs activités sans se soucier de la présence de la chambre noire. Les photographes d’extérieur de l’époque (surtout dans le domaine de la carte postale) avaient l’habitude de placer les sujets dans des poses guindées dénuées de naturel en leur demandant de s’arrêter, debout au milieu de la rue, en fixant l’objectif.

Clément Sans à plusieurs reprises a montré dans ses clichés un grand sens de la composition digne d'un peintre, plaçant ses sujets dans des tableaux soigneusement mis en scène selon les règles de la composition classique (lignes diagonales, formes triangulaires, etc.) tout en s'assurant que ses modèles prennent des poses naturelles avec aisance.

Les peintures et pastels de Jean-François Millet (1814-1875) représentent avec rigueur et authenticité la vie paysanne du xixe siècle. Partout en France, son influence fut énorme et sans aucun doute une personne cultivée comme Clément Sans devait connaître l’œuvre de Millet, comme le montrent ses photos qui reflètent non seulement le style artistique du maître de Barbizon, mais aussi son amour pour la vie rurale et son approche éthique de la vie à la campagne.




Champ des motifs et diversité

Travaillant en grande partie à l’extérieur, Clément Sans emportait sa chambre noire et son trépied partout dans le village, photographiant des scènes dans la rue en toutes saisons et par tous les temps. Les petits métiers du village sont représentés par Le maréchal ferrant (C.S. 78), l’étamage, la scierie, le barattage du beurre (photos en studio – 62 & 85), le filage (73), le tillage du chanvre (55), le lavage des tripes (Figure 12) et la lessive (79). D’autres clichés nous montrent les évènements du village : fêtes religieuses, mariage (38), coutumes (64), processions religieuses (13, 18 & 26), parades civiles (51), jeux d’enfants (2 & 109). Clément Sans prit également des photos peu courantes, celles d’écoliers dans les rues du village (15, 16 & 17). La présence bien visible de réverbères à gaz permettrait de dater avec précision plusieurs photos prises dans la Grande Rue et place Conti, si nous savions l’année de l’installation à Saurat de la première usine à gaz. Certaines photos où apparaissent des lignes électriques et des pylônes sont postérieures.
La plus grande partie du travail de Clément Sans nous présente tous les aspects importants de la vie paysanne, à travers les saisons, dans les fermes et les pâtures de la vallée de Saurat. L’agriculture est illustrée par de beaux clichés : le labourage avec deux bœufs (71), le ramassage des pommes de terre, la moisson (30 & 116), Les foins (67), la glaneuse (intitulée par erreur La moissonneuse, 61) et Le vannage (119). L’élevage des vaches gasconnes est représenté dans Baccade au col de Port (5, 6, 82 & 112), La marque des vaches à Prat Communal (76), sur la route (10, 27 & 60), Le Claous (47), La traite (58), et L’apprentissage (57). L’élevage des cochons n’apparaît que sur une seule carte, Paysans de Massat (45). Dans la vallée, la plus importante occupation reste l’élevage des moutons et nous avons une riche collection de belles photos de pâtres et de leur troupeau en différentes saisons : l’agneau nouveau-né (123), la transhumance (11, 19, 22, 29 & 37), les pâturages et les déplacements dans les estives (8, 12, 29, 34, 73, 114, 125 & 128) et les nombreuses scènes de pâturage en hiver (3, 4, 7, 14, 28, 35, 41, 48, 52, 54, 63, 65, 74, 111 & 117). La majorité des photos en hiver s’explique par la nécessité de préparer les plaques de gélatino-bromure par température froide. Dans son article de 1882, Clément Sans décrit la préparation des plaques : « On laisse sécher dans un courant d’air frais, ce qui demande deux jours environ. Bien entendu, toutes ces opérations se font avec les précautions habituelles contre la lumière blanche. Ainsi préparée, l’émulsion se conserve parfaitement à l’abri de l’humidité et de la lumière. Il serait donc avantageux de faire sa provision pendant l’hiver, le temps froid rendant les opérations plus commodes. » 
Le vannage et le Soudour au fond

 8. C.S. 54 – Les Rox-Négrés (sic)

D’autres sujets intéressants, les sites naturels de la vallée, du pic du Soudour au col de Port, attiraient randonneurs et touristes. En remontant la vallée à partir de Bédeilhac, on trouve le Pic de Calamès et la tour (20, 39, 42 & 90), la Grotte de Bédeilhac (9, 56, 71, 101 & 126) et Le Soudour (1 & 71). En longeant les montagnes sur la rive gauche du Saurat, il a photographié la tour de Montorgueil (41, 73, 92 & 114), le Pic de la Rouère et ses roches de dolomie (46, 91, 94, 95, 96 & 97) et les cascades d’Ifer (98 & 99). De l’autre coté de la vallée en suivant les crêtes sur la rive droite, il nous présente presque tous les sites naturels remarquables : le roc des Iretchès (43, 72, 86 & 88), le Roc de Carlong (25, 51 & 56), le roc Négrès (54, 100 & 113), Le roc Rédoun (rond) (63), les monts de Baratous vers le sud (33), la forêt de Candal (62), le cirque de la Journalade (103, 104, 105, 107 & 127), le Col de Port (81, 82 & 87), et un peu plus à l’ouest, La fontaine Guindoulé (31).
Clément Sans prit aussi de nombreuses photos dans la neige, ce qui était, à l’époque, une entreprise difficile pour un photographe à cause des contrastes extrêmes. Il retouchait ses photos de scènes de la rue sauratoise en hiver en ajoutant soigneusement des flocons de neige à la peinture sur la plaque de verre (48, 59 & 65).


Son sens de l’humour et les cascades-canulars


Dans beaucoup de ses photos, Clément Sans a fait preuve d’un grand sens de l’humour. Il y a plusieurs « clichés coquins » très amusants où on voit son modèle préféré, Angèle Marrot et son frère Adrien flirtant (75 & 77), celui où l’on voit une épouse dans un tendre échange avec un dandy sous les yeux de son mari (70), ou cet autre où six jeunes garçons taquinent une femme âgée fumant une pipe en dessinant sur le mur une caricature représentant la vieille femme en diable (109). Demeuré peintre dans l’âme, Clément Sans fréquemment ne pouvait s’empêcher de retoucher ses photos. Les meilleurs exemples en sont ce que j’appelle les « cascades-canulars » où il peint sur la plaque originale des cascades inexistantes, comme la cascade des Iretchès (88), ou le cirque de la Journalade (103, 105 & 107) où il accroît le débit d’eau pour améliorer le pittoresque ou tout simplement pour s’amuser. Sur le deuxième tirage du Roc Rédoun (63), titré Le Roc Bédoun par erreur, l’original est retouché et une fumée provenant d’un petit feu est ajoutée au milieu du troupeau.


Une des photos humoristiques les plus originales (Figure 9) est certainement celle où l’on voit le photographe en personne (ou peut-être son fils Jacques) portant un canotier, debout derrière la chambre noire, prêt à prendre une photo de six villageois parfaitement alignés les bras ballants et fixant l’objectif (69). Sur cette photo qui ne ressemble à aucun autre cliché de son style, il ne se prenait visiblement pas au sérieux ; il se prépare à appuyer sur la poire de l’obturateur de sa main droite pendant que le geste qu’il fait du bras gauche semble dire : « Regardez, ceci sera la photo du siècle ! »

C.S. 69 – Le photographe de Saurat

 9. C.S. 69 – Le photographe de Saurat


Critiques et distinctions


La Médaille d'or attribuée à C. Sans en 1898

 10. La Médaille d’or attribuée à C. Sans en 1898
En 1895 un critique, Eugène Trutat, relata son séjour à Saurat : « Quoique couvert de neige, le pays est encore intéressant à visiter, surtout lorsque l’on peut le faire avec M. Sans, artiste aussi habile à manier le pinceau que la chambre noire. » Trutat vit sept photos de Sans, Ballots de laine, Le battage du lin, A la Messe, La noce, et trois scènes de bergers dans la neige. Et en outre il ajouta : « Ces vues montrent bien, j’espère, par la disposition artistique qui a présidé à leur composition, que la photographie est un art, au même titre que la peinture, et que, quand un photographe a le sentiment de l’esthétique, il peut grouper ses personnages, composer une scène, éclairer un tableau et produire une œuvre bien supérieure à celle de maints brosseurs de toile. » (Trutat, 1895)

Clément Sans présenta plusieurs de ses œuvres dans différents concours de photographies en France et nous savons qu’il fut récompensé au moins à deux reprises. En juillet 1898, le Photo-club de Saint-Quentin (Aisne) lui attribua la médaille d’or dans la section Œuvres photographiques d’amateurs (10) et la Société photographique de Toulouse la médaille d’argent à l’Exposition internationale en avril 1899.


Editions des cartes postales

Une fois confirmé dans son talent de photographe, Clément Sans décida tard dans sa carrière de publier certaines de ses plus belles photos sous la forme de cartes postales, un moyen de diffusion devenu très à la mode. Il lui suffit pour cela d’opérer une sélection dans sa riche collection de photos prises dans la vallée de Saurat. C’est probablement autour de 1903 qu’il publia la grande série appelée la haute ariège, numérotée de 1 à 128 (dernier numéro recensé). Plusieurs de ces cartes portent le même numéro mais elles montrent des photos complètement différentes ou des textes de légende légèrement différentes. On pense que, sur une période de 10 ans, plus de 140 différentes vues furent publiées dans cette série.
Il publia d’abord 52 vues différentes imprimées par A. Bergeret et Cie à Nancy (texte à l’encre rouge). Le dos sans division permet de leur attribuer une date. « Le message, avant 1904, ne devait pas être inscrit du même côté que l’adresse. Ainsi, la correspondance était notée au recto, à côté de l’illustration si la carte en comportait une, agrémentée du timbre et du cachet. Le verso était alors destiné aux coordonnées du destinataire. Les cartes portaient d’ailleurs, sur cette face, la mention Côté exclusivement réservé à l’adresse. A partir de 1904, le recto n’est dédié qu’à l’illustration. Le verso est alors séparé verticalement en deux : le côté droit voué à l’adresse et le côté gauche à la correspondance. » (Bony, 1998)
Les cartes de la deuxième et troisième période sont à peu près datées d’après le style de la légende côté recto et le texte imprimé au verso. Dans certains cas, les cachets postaux les plus anciens donnent une indication sur la date de sortie de la carte. La quatrième et dernière période, durant laquelle les cartes furent toutes imprimées à Dijon par Bauer Marchet et Cie, apparaît une différence notoire dans les polices de caractères et la présentation. Les plus anciens cachets postaux trouvés sur les cartes BM remontent à 1907, ce qui indique que les cartes de cet imprimeur (bien qu’ayant parfois le même numéro de série avec une photo complètement différente) remplaçaient des cartes précédentes épuisées. Du n° 114 à la dernière connue, le n° 128, toutes les cartes émises furent imprimées par Bauer Marchet et Cie.
Sur certaines cartes il y a un mélange de photographie et peinture. Une de la dernière carte de la série (105) est un photomontage dans le cirque de la Journalade : une scène inventée, pas du tout caractéristique de son style réaliste. Les pentes rocailleuses à droite sont surimposées sur une photo de la Journalade ; l’eau ruisselant, les trois marcheurs, le chemin, et la femme cheminant sont peints sur la plaque. Une observation minutieuse du terrain dans cette partie du cirque de la Journalade n’a pas permis de révéler des éléments ressemblant à cette configuration.
Au moins cinq cartes de cette série montrent d’autres sites extérieurs à la vallée de Saurat : deux de la Tour Madrille à Tarascon (31 & 53), une de la cascade au Glacier d’Embans à l’est du Pic des Trois Seigneurs (83), une de la cascade de Cargnès (Caraoucou) situé à 1500 mètres au nord-est de Vicdessos (80 – nommée par erreur Cascade de Cargnes à Rabat), et une de la Cascade d’Orlu à Ax-les-Termes – Contrée de Saurat (106).

En conclusion

Beaucoup de recherches restent à faire pour compléter la biographie de Clément Sans et trouver d’autres peintures et photos. Mais ce que nous avons confirme son immense talent.
Clément Sans se distingue comme un remarquable Sauratois qui a contribué énormément à faire connaître son village. L’ensemble de son œuvre constitue un patrimoine précieux dont un village des Pyrénées françaises comme Saurat peut être fier, un corpus de grande valeur dont peu de communes en France peuvent se vanter de posséder l’équivalent. L’année 2011 sera l’anniversaire de sa mort et pourrait être une bonne occasion pour le village de célébrer sa mémoire.  

DAVID N. BRISON
Traduit de l’anglais par Anne Brison et Jacques Chabert


C.S. 33 – Les Baratous à Gourbit

11. C.S. 33 – Les Baratous à Gourbit

Réferences :

BONY, Xavier 1998, Comment dater vos cartes postales, La Vie du Collectionneur, n. 227, 29 Mai 1998, p. 16-17
PELLERIN, Denis 1995,
La photographie stéréoscopique sous le second Empire, Bibliothèque nationale de France
PÉRIN, Jacques 2000, Chronologie 1830-1880, in
Paris en 3D, de la stéréoscopie à la réalité virtuelle, 1850-2000, Paris musées, Booth-Clibborn Editions, p. 103
LE ROY LADURIE, Emmanuel (sous la direction de) 1994,
Paysages, paysans, Bibliothèque Nationale de France/ Réunion des musées Nationaux, Paris
SALIES, Pierre 1982,
Quand l’Ariège changea de siècle, Éditions Résonances, Tarascon sur Ariège, p. 270-273
SANS [Clément] 1878, Note sur le procédé dit au gélatino-bromure,
Bulletin de la Société Française de Photographie, Tome 24, Année 1878, Gautier-Villars, Paris, p. 185-186 (Signé « M. Sans »)
SANS, Clément 1882, Sur le procédé au gélatino-bromure,
Bulletin de la Société Française de Photographie, Tome 28, Année 1882, Gautier-Villars, Paris, p. 51-55 (Signé « M. Clément Sans »)
TRUTAT, Eugène 1895,
Les Pyrénées sous la neige, Imprimerie V. Cadout, Bordeaux (Réédité par Lacour S.A., 1991), p. 15-16
VOIGNIER, J.-M. 1993,
Répertoire des Photographes de France au dix-neuvième siècle, Le Pont de Pierre, J. M. Voignier, Chevilly-Larue, p. 227




REMERCIEMENTS :

Plusieurs informations concernant Clément Sans et son oeuvre ont été obtenues auprès d'habitants de Saurat : Claude Artigue, Michel Carbonne, Suzanne Chourreu, Natacha Dessort, Guy Douziech, Pierre Labiste, Roger Laffitte, Juliette Marot, Jean-Pierre Marty, Mireille Marty, Marcelle Maury, Jean Miramon, Roger Robert, Jacqueline Roques, Francis Sans, & Jean-Luc Rouzoul.
Je tiens également à exprimer ma gratitude envers Carole Troufléau pour l'aide qu'elle m'a apportée dans la recherche des documents anciens sur Clément Sans dans les collections de la Société française de photographie, Jean-Paul Durand qui a relu mon texte, ainsi que ma femme Anne et Jacques Chabert qui l'ont traduit de l'anglais.


____________________________________________

ICONOGRAPHIE DE CLÉMENT SANS

 

ANON. 1910, 1930, & 1928, La Journal de l’année, dans L’Ariégeois Magazine, n. 144, Juin-Juillet 2001, p. 103 [19]; n. 148, Mai-Juin 2002, p. 106 [67] ; et n. 168, Janvier 2008, p. 90-91 [113]
ANON. 2006, Cartes et patrimoine, Saurat, <cartes-et-patrimoine.com> midi-pyrenees/ariege site d’Internet (10 reproductions de cartes postales de Clément Sans présentées avec beaucoup de grain)
BAILHIÉ, Claude & ARMENGARD, Roger 1981, Les Pyrénées au temps des Diligences et des postillons, Milan, Toulouse, p. 55 [C.S. 61]
BAILHIÉ, Claude & ARMENGARD, Roger 1984, Les Pyrénées au temps des factures à cheval, Éditions Milan, Toulouse, p. 30 [C.S. 67], 40 [45], & 59 [110]
BERTIN, Raymond 1938, L’Ariège Économique & Chambers, Robert, Au Pays de Couserans ; dans L’Ariège (Pyrénées): Guide Thermal et
Touristique 1938, L’Union Thermal et Touristique de l’Ariège, Foix, (pages roses) p. 1 [gravure d’après C.S. 71] & p. (14) [5]
DÉJEAN, Max 2004, Tarascon-sur-Ariège et ses environs, Éditions Alan Sutton, St. Cyr-sur-Loir, p. 97 [79 & 77]; 98 [16]; 99 [37 & 65]; plus 7 photos inédites de Clément Sans de la collection de Jean-Pierre Marty de Saurat; p. 94, 95, 96, 97, 98, & 99
LABRO, A. 1913, Au pays d’Ariège: Géographie illustrée, Imprimerie Pomies, Foix (2e édition), p. f7 [C.S. 12] & f27 [Variante de C.S. 33] 
LAGIER, Rosine 2003, Il y a un siècle… La France paysanne, Éditions Ouest-France, Rennes, p. 48-49 [C.S. 61]
LATOUR, Roger 2002, Tarascon et son canton d’un siècle à l’autre, R. Latour Éditions, Lavelanet, p. (94) [C.S. 7]; (187) [116]; (190) [15]; (192) [24]; & (194) [16]
LATOUR, Roger 2005, La valeur de vos cartes postales, Tome. 1 : Arrondissement de Foix, R. Latour Éditions, Lavelanet, p. 38-39 [C.S. 48];154-160 [C.S. 11, 26, 22, 30, 2, 58, 61, 67, 78, & 119]
LATOUR, Roger 2007, Latour Cartophile, Reproductions, Commues, Saurat, cartepostale09.com site d’Internet (19 reproductions de cartes postales de Clément Sans avec surimpression d'un logo)
LATOUR, Roger 2010, Tarascon et son canton d’un siècle à l’autre, Tome. 3, R. Latour Éditions, Lavelanet, (VUES STÉRÉO) Tarascon, p. [16], [17], Saurat, [214], [215], [216], [217], [218], [219], [220], [221]; Surba, [228], & [229] --- (PHOTOS) Tarascon, p. [18]; Bédeilhac, p. [100], [101], [102], [106 - C.S. 29]; Ornolac-Ussat les bains, p. [163], [166], [167]; Saurat, p. [201 - C.S. 45 & 27], [205 - C.S. 47], [208 –C.S. 64], [210 – C.S. 37 & 38], [222], [223], & Ussat, p. [233]
PIC (Prat Informatique Communal) 2007, Bienvenue dans la Vallée de Saurat,<valleedesaurat.free.fr> C.S. 2, 3, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28 (Original & réédition imprimée à l’envers), 29, 30, 31, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46 (Montorgueil), 47, 48, [49], 50, 51 (Carlounc), 52, 54, 55, 56 (3  différentes), 57, 58, 59 (Neige), 60, 61, 63, 64, 65 (2  différentes), 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73 (2  différentes), 74, 75, 76 (Vaches – photo colorée), 77, 78, 79, 82, 84, 85 (fond uni), 86, 88, 89 (Vue panoramique), 90,  91 (Rouère), 92, 93, 94 (Tête du juge), 95, 98, 99, 100, 101, 103, 104, 105, 107, 108, 109, 113, 114, 116, 117, 119, 123, 124, & Labouche Frères No. 1071 & 1073 (Variante)
SALIES, Pierre 1982, Quand l’Ariège changea de siècle, Éditions Résonances, Tarascon sur Ariège, p. 13 [C.S. 19]; 14 [11]; 16 [76]; 18 [37]; 25 [6]; 33 [50] ; 54 [30]; 294 [67]; & 397 [15]
SANTERRE, André & SANS, Francis 1993, Le Pays de Foix et la Haute-Ariège, Les Cartophiles Ariégeois, Nantes, p. 186 [C.S. 29]; 196 [16]; 198 [38]; 199 [2 & 78]; 221 [22]; 222 [30 & 61]; 223 [119 & 67]; 224 [55]; 226 [74]; 227 [58]; 257 [50]; 297 [ÉditionThiriat – C.S. 14];  & 297 [non-attribué – C.S. 14]
SIMONNET, R.; PAILHÈS, C.; CLAEYS, L. et al. 2008, Ariège, Christine Bonneton, Paris, p. 108 [C.S. 55], 112 [11]
SYNDICAT D’INITIATIVE DE SAURAT ca.1985, Hier … Saurat: Cartes Postales 1900-1930, (Différentes séries de cartes postales anciennes en paquet de 6 reproductions chacun) [C.S. 11, 22, 26, 27, 44, 45, 47, 55, 58, 61, 65, 67, 70, 77, 78, 79, 85, 109, & 119]  
ZEYONS, Serge 1992, La France paysanne, Larousse, Paris, p. 207 [C.S. 55]

12. Place Conti – Lavage des tripes

12. Place Conti – Lavage de la laine

Matériel du laboratoire-photo de Clément Sans:

Matériel du laboratoire-photo de Clément Sans :
Lanterne rouge à alcool, châssis porte-plaque, bouteilles de révélateur et virage-fixage